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Critique n11 : A Ghost Story - David Lowery

  • Photo du rédacteur: Nina.G
    Nina.G
  • 27 mars 2022
  • 3 min de lecture

Apparaissant sous un drap blanc, le fantôme d'un homme rend visite à sa femme en deuil dans la maison de banlieue qu'ils partageaient encore récemment, pour y découvrir que dans ce nouvel état spectral, le temps n'a plus d'emprise sur lui. Condamné à ne plus être que simple spectateur de la vie qui fut la sienne, avec la femme qu'il aime, et qui toutes deux lui échappent inéluctablement, le fantôme se laisse entraîner dans un voyage à travers le temps et la mémoire, en proie aux ineffables questionnements de l'existence et à son incommensurabilité.


Une histoire de fantôme pas comme les autres, qui pénètre au plus profond de nous, pour méditer, ressasser des souvenirs, s’identifier à ce drap blanc qui erre dans la vieille maison. A Ghost Story est l’une des plus belles œuvres du cinéma contemporain par son originalité, sa singularité, son envoutement, sa nostalgie. Réalisé en 2017 par David Lowery, le récit raconte un fantôme imagé par un simple drap blanc, d’un homme visitant sa femme dans leur maison hantée, imprégnée de leur histoire. Impuissant dans cette dimension, il perd le contrôle du temps et voyage à travers sa mémoire, spectateur de sa propre vie.



A Ghost Story me transperce à chaque minute qui s’écoule. Une légèreté dans les dialogues, les longs plans, les travelings lents, une simplicité du décor et de la mise en scène, des acteurs crédules, je suis complètement en contemplation et fascinée par la vague d’émotion et la beauté de l'œuvre. Dès les premières images, mon esprit cherche à comprendre ce que je vois : deux êtres amoureux qui échangent, décomposées par des fondus noirs d’étoiles dans le ciel nocturne dans un format carré 1:37 aux grains qui recouvrent le plan. C’est juste sublime. L’intrigue est presque invisible et reste mise en valeur par son rapport sensoriel au monde. Chaque plan long et profond, fixe et lent, irréaliste et sincère, aéré et audacieux, m’interpelle et me rend de plus en plus sensible à ce que je visualise. Derrière son apparence simpliste, A Ghost Story est un drame puissant, blessant, destructeur. Il exprime le chemin vertigineux de la vie, l’instabilité des fragments qui nous rattachent à cette étape. Ces bribes de souvenirs qui nous rendent immortels par une photo, une chanson, un lieu, une odeur. Je suis enfermée avec les personnages dans cette maison servant de huis clos à l’histoire, incapable d’y sortir sans penser à un évènement passé mélancolique. Casey Affleck caché par ce voile uniforme blanchâtre droit, stoïque me touche par sa fragilité, son désarroi mis en lumière par ses gestes brefs, insuffisants pour retrouver l’amour de sa vie. En effet, le réalisateur traite les sensations, sentiments du deuil, de la solitude, de l’amour, du manque, intérieur de ses personnages : sur un plan de dix minutes, Rooney Mara mange une tarte dans sa cuisine. Cette scène me bouleverse car tout est simple, sincère, commun à un geste habituel de la vie qui est magnifié par ce plan fixe, lumineux, épuré, spirituel. On se sent présent avec elle, à ressentir ses blessures et sa douleur, tout comme dans la scène de la musique dans les oreilles, qu’elle écoute allongée sur le sol, sa main frôlant le tissu blanc. Le film provoque une sensation inhabituelle au fond de moi, comme un choc, une tristesse soudaine et profonde, une admiration, une sensibilité de voyage sur ma perception de la vie. Je suis cette histoire, dépendante du coup de cœur qui se crée entre ce film et moi.


Ce film ne se visionne pas passivement, il se vit, il se ressent. Il est un chef d'œuvre harmonieux, tendre, photographique, pur, unique et sensationnel. Aucun autre film ne m’avait autant dérouté, troublé.



Nina.G

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